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vous faire savoir que je désire me livrer à l’enseignement. La perte que maman a faite de sa petite fortune, car, comme vous le savez, il n’est malheureusement que trop prouvé que la personne chez laquelle elle avait placé son avoir a, par ses folles entreprises, ruiné tous ceux qui lui avaient confié leurs fonds, l’oblige à travailler jour et nuit pour nous procurer l’existence et me conserver mon maître d’anglais [1], qu’elle ne veut pas renvoyer, tant

  1. Il est impossible d’avoir poussé plus loin l’étude de la langue anglaise qu’Élisa ne l’avait fait. Combien de fois, depuis sa mort, je me suis reproché d’avoir cédé au désir qu’elle me témoigna de rendre, avant de quitter Nantes, toutes tes traductions à l’épicier ; il en était trois qu’elle avait faites entières, qui me seraient devenues une grande ressource ; c’étaient celles des Fables de Gray, des Saisons de Thompson et du Paradis perdu de Milton. Élisa aimait tellement l’anglais qu’elle m’a dit bien des fois que lorsqu’elle tenait lord Byron, elle oubliait qu’elle était Française. Comme elle le parlait sans accent, on ne pouvait persuader aux Anglais qu’elle n’avait pas été élevée en Angleterre. « Il faut, ma chère Élisa, lui disait M. Robert Spencer, frère puîné du célèbre ministre, que vous ayez su l’anglais en venant au monde. — Non, monsieur Spencer, non, je me suis donné la peine de l’apprendre ; mais vous saurez qu’à douze ans, j’avais fini la traduction du Paradis perdu de Milton, et qu’alors je n’avais guère recours au dictionnaire que pour les mots inusités. — Mais comment se fait-il, ma chère enfant, qu’à cet âge vous ayez pu traduire Milton, quand beaucoup d’Anglais ne peuvent pas le lire. — Je vais vous l’expliquer, monsieur Spencer, c’est qu’il n’est pas plus difficile à celui qui apprend, d’apprendre le langage vieilli que le langage