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Elle s’effarouchait des lèvres roses de baisers, et des mouches au menton, et du

    dans le soin des détails orchestraux, et perdent ainsi de vue l’objet principal : l’action ! Oui, la musique moderne, au théâtre, s’inquiète trop de la musique, d’elle seule, et c’est pourquoi le grand dramaturge musical français qui, sans doute, est né déjà, ne s’est pas encore produit.

    Je constate ce fait, et je le déplore. Mais ce fâcheux état de choses ne saurait durer longtemps.

    Est-ce que le drame n’appartient pas à la France, comme à l’Allemagne, comme à l’Angleterre ? Si l’une a eu Shakespeare, si l’autre a eu Schiller, n’avons-nous pas eu Corneille et Molière, n’avons-nous pas Hugo ? Et pourquoi notre musique ne ferait-elle pas ce qu’a fait notre poésie ? Sans doute, il est honorable et hautain qu’un compositeur s’isole dans la symphonie, comme un poète s’exilerait dans la poésie lyrique ; mais le grand public est là, qui attend, qui réclame, qui exige sa proie : le drame ! Donnez-la-lui, toute palpitante. Puisqu’on vous reproche d’imiter Richard Wagner, imitez-le en effet, de la bonne façon, en appliquant son système, mais en restant vous-mêmes. Des entrailles mêmes de nos races, de nos légendes, de nos histoires, faites jaillir la tragédie vivante qui remue, secoue, empoigne la foule. Vous êtes le rêve, sachez être l’action. Certes, évitez la banalité écœurante de l’antique opéra, servez-vous de tout votre art