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Or, la fille des Tzars et moi, nous nous aimons.

Qu’importent entre nous des mers, des deux, des monts !
Tout l’éloignement sombre interpose son voile
Sans dérober l’étoile au regard de l’étoile ;
Et, si distants que l’un de l’autre nous soyons,
Nous nous sentons voisins, à cause des rayons.
Qu’importe que je sois ce vieux à face vile,
Cette chose mêlée aux fanges d’une ville,
Et qu’elle ait la noblesse avec la pureté,
Lys des champs qu’une tige héraldique a porté !
Sa grâce, ma laideur, sa grandeur, ma bassesse,
C’est l’inégalité naturelle, qui cesse,
C’est l’envers du mental, l’extérieur du front ;
Nos êtres sont égaux dans ce qu’ils deviendront.
L’un chez l’autre adorant les parités futures,
Nous secourons les fers et romprons les clôtures
De l’épreuve, prison qui nous possède en vain ;
Il faut être terrestre avant d’être divin,
Mais par je ne sais quoi de moins lourd dans nos chaînes
Se dénonce l’essor des libertés prochaines !
O jeune Ame, vouée à mon âme déjà
Quand de l’antique nuit la lumière émergea,