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Forêts, gorges, vallons, molles profondeurs blanches
Que parfois, sous le givre éblouissant des branches,
Traverse à pas pesants un carnassier rôdeur,
Muet dans le silence et mat sur la splendeur ;
Villes au loin, hameaux presque enfouis qu’assiège
L’épais grossissement onduleux de la neige ;
Larges fleuves étreints par les glaces, amas
D’avalanches, sommets éclatants de frimas,
Tout s’estompe et se fond dans la monotonie
D’une blancheur intense, immuable, infinie.
Forme sensible à peine eu ce vaste unisson
Du ciel froid, du désert blafard et du glaçon,
S’élève, au flanc des monts, une antique demeure.
Son tranquille escalier que rarement effleure
Le pas d’un serviteur pensif qui disparaît
Sous une voûte ainsi qu’un spectre s’en irait,
Ses arcades qu’au loin la neige continue,
Et le blêmissement de ses toits sous la nue
Forment un édifice étrange et solennel,
Semblable à ces palais que l’hiver éternel
Dresse et maçonne, ayant, sous la brume blanchâtre,
Pour pierre la banquise et le flocon pour plâtre.
Au dedans le silence et la paix sont profonds ;