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Le lent prolongement des saules balancés
S’incline où des créneaux roides se sont dressés ;
Grêle, un rosier tient lieu d’un bastion superbe ;
Plus de lances, sinon des pointes de brins d’herbe ;
La voûte où l’on voyait des ombres se mouvoir,
Sinistres, dans la paix inquiète du soir,
Quand, douze fois, à coups chaque fois plus funèbres,
Le cœur du noir minuit battait dans les ténèbres,
Est un chemin de houx et d’épines fleuri,
Où le jeune passant se recueille, attendri
De ce signe de croix aisément effaçable
Que le pas d’un petit oiseau fait sur le sable,
Ou triste de l’adieu d’un merle voyageur
Qui va d’un saule à l’autre et s’envole, ou songeur
D’ouïr dans les légers volubilis la guêpe
Tinter, clair battant d’or de ces cloches de crêpe.

Seul, un donjon, bloc noir, de lierre interrompu,
Que la pioche oublia de détruire ou n’a pu
Mettre à bas, dresse encor ses murs rectangulaires :
C’est l’Abendthor, qui vit de tragiques colères.
Le jour, ce ténébreux cadavre de granit
Se ravive aux gaîtés du ciel, du vent, du nid ;