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l’asile

Et moi-même, le front déshonoré de cendré,
Les pieds nus comme sont les pèlerins, un jour
J’apporterai mon cœur meurtri par une amour
Fatale, dans la paix de cette solitude.
Je laisserai s’abattre enfin mon attitude
Orgueilleuse, et, pareille à quelque horrible fleur,
Tu t’épanouiras dans l’ombre, ô ma douleur !
Au milieu de la nuit et des silences graves,
Tu pousseras ton noir branchage sans entraves !
Tes racines toujours plus avant dans ma chair
S’enfonceront ainsi que des vrilles de fer,
Et mon sang, et mon sang les gonflera de sèves !
Tant qu’à la fin, hanté d’inexprimables rêves,
Pâli sous ton étreinte, ivre de tes parfums,
Je m’endorme à côté de mes espoirs défunts.
Car je t’aime à jamais, ô douleur, ô farouche