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MÉPHISTOPHÉLA

Cette fois, il ne s’agissait point de quelque faible somme déposée à la Banque de France ou d’un legs médiocre, mais d’une fortune presque inévaluable, mines de platine, palais à Moscou, palais à Saint-Pétersbourg, cinq domaines en Finlande, où pullulaient les serfs avec des grouillements de fourmilières ; et, de la volonté d’un malade, paralysé, presque aphone, ne vivant que par les yeux, — suprême héritier d’une opulente et abjecte race — il dépendait que cette fortune leur appartînt, à elles ! Un seul obstacle : la ruse de Luberti, arrivé le premier, et à qui le malade était lié par l’habitude d’en être habillé, déshabillé, lavé, essuyé. Mais si l’on ne pouvait évincer ce compétiteur, on en ferait un complice ; et, dans un regard, dans un long regard fixe qu’elles échangèrent après de vagues paroles, la tante et la nièce conçurent la possibilité du triomphe. Ce fut, dans leurs convoitises harmoniées, quelque chose comme la stupeur de joie de deux voleurs de profession qui verraient tout à coup, à portée de leurs mains, la clé d’un coffre-fort plein d’or et de liasses.

Le comte Stéphan accueillit les étrangères, n’opposa point, apparemment, de résistance à leur dessein. Ces deux femmes, remuantes autour de lui, divertissaient son immobilité. Fai-