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MÉPHISTOPHÉLA

visage, mais de la bouche et d’une part des joues, et du menton trépidant. Rire qui montrait, sous le retroussement des lèvres, des dents atroces de bête, jusqu’aux gencives. Cette grimace sans voix ressemblait au secouement de mâchoires que peut produire sur un cadavre une décharge électrique. Elle éveillait aussi l’idée, — en cette étrange face pâle — d’une macabre parodie de la joie, mimée par un Pierrot spectral. Si habitués pourtant aux façons de l’estropié qu’ils avaient mission de veiller et de soigner, les quatre valets du jeune comte, et même M. Luberti, espèce d’intendant, — italien, jadis maître de musique, déchu de ses rêves d’artiste jusqu’aux fonctions de garde-malade — ne pouvaient s’empêcher de frissonner à cause de ce rire, symptôme persistant d’un mal familial, ou bien, s’il en fallait croire les chuchotements des plus vieux serfs, signe de la très antique damnation qu’avaient encourue les Tchercélew. Une légende, comme avec de noires ailes de corbeau, planait sur ce château de Finlande, légende de fenêtres éclairées à l’heure où tout le monde dort, de filles emportées et mises à mal sous le flamboiement des lustres, dans l’exaspération des vins et des eaux-de-vie, et de nudités puériles mangées à même le plat par des convives pres-