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MÉPHISTOPHÉLA

la petite Parisienne ; aux desserts, elle apparut tour à tour tzigane, tcherkesse, égyptienne, bourgeoise russe ; quelquefois elle portait une robe de prieuresse ou un habit d’archimandrite, et c’était divertissant, tout à fait divertissant, à cause de l’imprévu contraste, de l’entendre dire des flonflons de goguettes, sous le voile des religieuses, avec un accent de gamine faubourienne, ou de la voir, pour faire tinter de sa bottine les pendeloques du lustre, lever une jupe de moine. Quant au dévêtement complet, le comte Tchercélew ne l’exigea jamais. Il avait — décent à sa façon — horreur de la nudité, sinon jusqu’à la ceinture. Malgré cette espèce de vertu, la présence de Phédo dans la maison d’un des plus hauts dignitaires de la cour impériale, et les anecdotes qui, à ce propos, coururent la ville, ne manquaient pas de produire quelque scandale ; après plusieurs années de patience, l’autorité dut s’émouvoir enfin à cause d’une aventure plus brutale, restée mystérieuse, où la nappe du souper ne fut pas rouge de vin seulement ; de haut lieu, le comte fut prié de se retirer dans son domaine de Finlande et d’y séjourner jusqu’à nouvel ordre. L’impossibilité de désobéir lui conseilla la soumission souriante. Phédo n’envisagea pas avec autant de résignation ce changement de