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MÉPHISTOPHÉLA

position au théâtre, ce qu’il faut, c’est être belle fille et pas bête. Pas bête, bon, Phédo l’était, mais belle, va-t’en voir s’ils viennent. De sorte que Mme Sylvanie considéra comme une chance inespérée la proposition que vint lui faire, un matin, un personnage très bien mis, gras, imposant, sans barbe ni moustache, qui parlait avec un accent étranger en tenant, à la main, un chapeau de soie tout neuf où semblait marquer une cocarde, — l’air d’un grand seigneur qui serait un domestique. Un domestique, en effet. Le comte son maître, l’autre soir, au théâtre, avait fort apprécié la gentillesse de la petite Phédo ; comme il était amateur passionné de comédie, il offrait d’emmener l’enfant en Russie où il lui donnerait des maîtres et la mettrait à même de débuter sur un théâtre de Saint-Pétersbourg ; naturellement, étant très riche et aussi généreux qu’on pouvait le désirer, il n’hésiterait à faire, dès à présent, à la tante de l’enfant des avances considérables sur les appointements que Phédo ne manquerait pas de gagner un jour. « Des avances, bien ! » pensa l’ouvreuse. Après quelques plaisanteries : « Est-ce qu’il est bâti, le théâtre où jouera ma nièce ? » et « Quel âge a-t-il, votre maître ? soixante ans ? oui ? alors, c’est qu’il veut adopter la petite ? » elle se mit