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MÉPHISTOPHÉLA

dans leur belle maison, parce que tous les élus seraient très flattés de faire connaissance avec elles à cause de leur bonne renommée ; mais, même au ciel, ce n’est pas bien agréable de voir le monde ; sans être impolies avec personne, elles aimeraient, rentrées au logis après avoir rempli leurs devoirs de séraphins sur les marches du céleste trône, après avoir chanté les cantiques et remué les encensoirs, rester seules, ensemble. Pourtant elles feraient quelquefois une promenade, avec plaisir, le soir, sur la voie lactée, pour respirer l’air céleste. Là, des millions d’astres sont le cailloutis du chemin, là on passe entre des buissons de roses blanches qui sont des fleurs de flamme, mais on peut les cueillir sans se brûler les doigts, parce que, dans le ciel, bien différent du méchant et vilain enfer, la flamme ne brûle pas ; et l’on s’assied sur des bancs de nuages lumineux qui sont comme de l’ouate d’or. Parfois Emmeline disait : « Ce doit être bien haut dans l’air, la voix lactée ; si l’on tombait, ce serait épouvantable ! » car elle était timide, volontiers effarée, et, si enfantin qu’il fût avec ses réminiscences de féeries, le paradis de Sophie lui semblait encore bien grandiose et redoutable. Mais Sophie : « Eh ! non, on ne peut tomber, on est aussi légère que l’air et