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MÉPHISTOPHÉLA

figurines en riches vêtements, surchargées d’or et de pierreries, qui, aux heures cérémonielles, sortent de leurs tabernacles élégants comme un salon, et s’avancent sur deux rails jusqu’au bord de l’autel, dans les églises espagnoles. Elles, devant la divine Vierge, longuement, longuement, elles priaient, à genoux, la tête d’Emmeline sur l’épaule de Sophie ; et voici qu’après les longues litanies, quand le crépuscule du soir accumulait dans la chambre les rougeurs, les chaleurs du pompeux et mélancolique couchant, une langueur les envahissait, serrées l’une contre l’autre, sentant à travers les étoffes la tiédeur et les battements de la vie, et les faisait se pâmer presque, un remuement sous le front, en une fuite de tout leur être vers un seul point, épanoui ; si défaillantes que, ne priant plus, et, de leurs mains disjointes battant l’air, elles tombaient en arrière. Elles restaient immobiles, sans paroles, les yeux mi-clos, vivantes à peine par le tressaillement quelquefois des paupières, par la montée et la descente de leurs poitrines, et par leurs souffles, qui, dans le silence crépusculaire, faisaient le bruit de deux petites abeilles invisibles se suivant rythmiquement. Et elles étaient très pâles. C’était Sophie qui s’éveillait la première de cette