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MÉPHISTOPHÉLA

seconde — car ils se refermèrent tout de suite — elle vit les yeux de sa mère ; elle frissonna. Cependant les heures nocturnes s’écoulaient. Mme et Mlle d’Hermelinge, un peu avant le jour, descendirent de wagon, s’assirent sur un banc de bois, sous une marquise, et attendirent. Puis, elles montèrent dans un autre train. Carola eut l’intuition qu’elles n’allaient plus où d’abord elles avaient dû aller, que sa mère avait changé d’avis, modifié leur itinéraire. Quand ce fut l’aube, elle ne vit pas le visage de Mme d’Hermelinge ; celle-ci avait baissé sa voilette très épaisse qui lui mettait un masque de dentelle. Qu’y avait-il derrière ce masque ? l’enfant s’imaginait une figure très blême, avec des yeux fixes, effrayants. À cause du matin, à cause de sa crainte, elle avait froid. Elle s’enveloppa toute de son manteau, feignit de dormir. Vers dix heures du matin, le train se ralentissant, un employé cria : « Gemmilly ! — Nous sommes arrivées », dit Mme d’Hermelinge. Elles traversèrent le quai, la gare ; sur le seuil de l’hôtellerie, une grosse femme, rougeaude, au ventre énorme, attendait des voyageurs. Elles pénétrèrent dans une salle du rez-de-chaussée, suivies par l’aubergiste dont les sandales sonnaient sur les carreaux. Mme d’Hermelinge demanda