Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/553

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
543
MÉPHISTOPHÉLA

hauts que ça, — voici qu’elle s’intéressait, oui, même à la plus petite enfance ! — et, pour passer la belle saison, ils auraient une propriété à la campagne, loin de Paris, où ils dîneraient au crépuscule sous la tonnelle. Ne plus souffrir, ne plus languir ! Ne plus être à soi-même un objet d’horreur et de dégoût ! Être une mère ! une grand’mère ! les petits, au dessert, lui grimperaient aux jambes et s’asseoiraient sur ses genoux.

Ce fut par une longue allée de platanes, presque déserte, silencieuse, que le lourd fiacre ancien où Sophor monta en sortant de la gare, la conduisit vers le couvent.

Dans la clarté encore d’avant le crépuscule, presque point de passants ; sur un banc, une très vieille femme, dodelinant de la tête, qui est restée toute la journée où on l’a mise, et qu’une servante va venir chercher à l’heure du dîner ; plus loin, quelque officier en retraite, la moustache grise et le nez rougissant, qui fume une pipe éteinte, et du bout de la canne, entre ses jambes écartées, fait des ronds dans le cailloutis. Et pas un bruit, sinon, au lointain, vers les champs, un sifflet de locomotive, ou, vers la ville, l’aboi perdu d’un chien. Cette paix, cette rareté de vie, ne déplaisait pas à Sophor, l’emplissant de silence et