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MÉPHISTOPHÉLA

Emmeline, qu’elle s’était blâmée tout à l’heure d’avoir évoqué Magalo. Il fallait s’occuper de Carola, de Carola seulement. Elle la rêvait très modeste, grande, un peu pâle, avec des cheveux châtains. La voix de la chère enfant devait être infiniment douce, mais nette, sans intonation trop tendre, une voix habituée à chanter des cantiques. Et que feraient-elles, après s’être embrassées ? elles partiraient tout de suite ; Sophor ne laisserait pas sa fille au couvent. Des gens racontent que les jeunes personnes dans les dortoirs ont parfois, l’une pour l’autre, des amitiés trop tendres, prennent de mauvaises habitudes. Sophor frémit ! elle avait eu tort de laisser Carola dans ce cloître. La crainte que sa fille ne fût pas aussi ingénue que les plus jeunes saintes la bourrelait cruellement. Elle changea de pensée ; elle ne voulait rien imaginer de triste, d’attentatoire à son rêve ; elle revint à son projet de prompt départ. Assurément, elles n’iraient pas à Paris. Oh ! non ! pas à Paris. Un frisson la parcourait toute à l’idée que son enfant pourrait loger dans l’affreuse maison où tant de femmes… jamais ! Elles feraient un grand voyage en Angleterre ou en Italie. Carola serait ravie de toutes les belles choses qu’elle verrait. Ils seraient adorables, les mots qu’elle