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MÉPHISTOPHÉLA

autrefois ; Magalo n’avait pas eu tort de… Magalo ! elle répudia ce souvenir, se reprocha d’avoir songé à cette fille. Il s’agissait bien de Magalo ! Entre Magalo et Carola, rien de commun. C’était vraiment absurde et coupable d’avoir mêlé dans la même pensée deux personnes à tel point différentes. Carola devait être si candide, si ignorante de tout ce qui est mal : une espèce de petit ange, en habit de pensionnaire. Adorer cette jeune âme encore céleste, quel religieux charme, quel oubli de tout le péché ! Sophor eut un serrement de cœur, comme le train, après une station, se remettait en marche. Elle se rappelait que, pleine d’un espoir plus vraisemblable que celui d’à présent, elle avait naguère tenté un voyage, — le voyage vers Emmeline ; elle avait rencontré, dès l’arrivée, le plus abject des désenchantements. Mais il eût été stupide d’assimiler le mauvais désir qui l’avait entraînée vers son amie, — il avait été, ce désir, justement puni — et l’honnête dessein qui la conduisait vers sa fille ! Cette fois elle méritait de ne pas être déçue. Les providences avaient eu raison, naguère, de la bafouer ; elles auraient tort, aujourd’hui, si elles lui refusaient la félicité sacrée qu’elle ambitionnait. Sophor se blâmait presque autant d’avoir songé à