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MÉPHISTOPHÉLA

ragée à son métier, bien désireuse de s’acquitter des salaires exigés d’avance, pour aller, après avoir gratté des doigts la terre, apporter à une défunte des soldes de caresses ! Sophor pouvait espérer ne plus entendre, après son dernier soupir, des halètements de poitrine. Puisqu’elle laisserait les autres tranquilles, on la laisserait tranquille, une fois enterrée. Et elle ne s’arrêtait pas à l’appréhension des supplices qui châtient, par delà la vie, les coupables. Quel supplice serait comparable à celui qu’elle endurait ? de toute façon, elle gagnerait au change. D’ailleurs, bien qu’elle eût rêvé parfois aux géhennes expiatoires, elle croyait à la paix dans le tombeau. Elle niait les réveils et les éternelles tortures. Avoir le démon en soi, ce n’est pas une raison pour être convaincu de l’enfer ; en ceux qui conclurent un pacte avec quelque satan, obscur accomplisseur des célestes desseins, il y a souvent cette absurdité de ne pas croire au dieu qu’ils ont renoncé. Beaucoup de possédés sont des athées. Donc, la mort, aux yeux de Sophor, c’était bien le repos, le sommeil sans rêve, la délicieuse inanimation. Et rien ne l’empêchait de s’endormir pour toujours. C’est si facile, mourir. On peut se laisser tomber d’une fenêtre, ou se jeter, d’un