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MÉPHISTOPHÉLA

rivée à son mal, qu’elle ne s’échapperait jamais de sa désolation.

Pourtant il y avait une issue. Mourir. Mourir ? Oui.

La première fois que cette idée lui vint, ce fut comme si elle se détendait toute en une douceur enlaçante, en un bain de calme volupté. Elle conçut délicieusement le bien-être de n’être pas. Ah ! cet espoir, qu’il était aimable ! Être morte, c’est-à-dire ne plus penser, ne plus agir, n’avoir plus l’infâme rancœur d’hier, le dégoût plus horrible de demain, ne plus être la laborieuse ouvrière de péché et de remords ; ne plus entendre le Rire, — ne plus sentir l’Odeur ! Comme les puanteurs même du sépulcre, si les cadavres en pouvaient être incommodés, seraient meilleures à ses narines que le parfum de son vice ; comme elle préférerait la putridité de la chair morte à celle de la chair vivante ! Ce que le cercueil a d’exquis, c’est qu’il est trop étroit pour qu’une femme s’y couche à côté de vous. Au moins, quand on n’a plus de lèvres, on ne court plus le péril du baiser ; des bras de squelette ne peuvent pas être obligés à étreindre des corps que les secousses du plaisir mouillent d’une sueur plus gluante et plus fétide que l’humeur des couleuvres d’eau ; enfin, morte, on dort seule ! car il faudrait vraiment qu’une fille fût bien en-