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MÉPHISTOPHÉLA

bras, et, bien qu’elle n’eût pas rouvert les yeux, elle reconnaissait Emmeline, « Emmeline, Emmeline ! » et elle l’embrassait, la serrait sur sa petite poitrine. Ce fut un grand attendrissement chez toutes les personnes présentes, rien n’était plus touchant que la tendresse de ces deux petites filles. On devinait bien ce qui avait dû se passer. Pour rejoindre sa camarade, la convalescente, avec une bravoure au-dessus de son âge, avec cette force que donne la fièvre, avait glissé de sa fenêtre le long de la vigne vierge, puis s’était cramponnée aux barreaux de la grille, l’avait franchie ; ceci, c’était extraordinaire : une grille si haute avec des pointes si menaçantes ! un chat n’aurait osé cette escalade. Une fois dans le jardin, elle était allée — en chemise ! par cette nuit d’automne ! qu’elle avait eu froid ! — vers la croisée d’Emmeline, au rez-de-chaussée ; elle avait voulu grimper, les ongles au mur, n’avait pu aller bien haut, était tombée sur l’âpre sol, évanouie, après un cri. Beaucoup de gens, à cause de cette aventure, avaient des larmes dans les yeux ; les deux mères n’y purent tenir : elles se réconcilièrent ; et, tandis que les voisins regagnaient le repos interrompu, on porta les deux enfants dans le lit de Sophie, où, à demi pâmées, mais souriantes d’un sourire de ché-