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MÉPHISTOPHÉLA

fonctionnellement, elles s’offrent. Elles vivent deux par deux au troisième étage de quelque maison garnie, sont jalouses, se querellent, arrivent quelquefois à la crémerie ou à la table d’hôte avec des joues labourées d’ongles ; et, « collées », ayant l’habitude des lits sans mâles, elles vendent à d’autres femmes, — qui savent où les trouver, — ce qu’elles se donnent entre elles. Elles font le commerce du vice qui leur est habituel et, avec quelques unes, agréable ; dans le café ou dans la brasserie qu’elles hantent — sorte d’ignobles Halles — viennent s’approvisionner les entremetteuses chargées d’égayer les fins de souper des étrangères détraquées ou des Parisiennes en folie. Après certains dîners mensuels où les hommes ne sont point admis, des cabotines grises de champagne et de rire, qui ne savent plus à quoi tuer le temps, montent dans des fiacres, s’en vont vers Montmartre ; et elles se mêlent à ces filles, non dans la salle commune, mais au premier étage, ou dans quelque cabinet par delà les billards. À cause des garçons qui passent, l’air digne, levant sur d’énormes plats, tirés des buffets pour la circonstance, des buissons d’écrevisses ou des poulets froids, les habitués devinent tout de suite qu’il y a là des « personnes chic » en train de faire la