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MÉPHISTOPHÉLA

vivaient simplement, instinctivement ; ils ne savaient plus qu’il y avait, ailleurs, des désirs, des ambitions, des peines. Quand on eut servi le dessert : « Alors, dit le baron Jean en sa grosse gaieté, d’après ce que je vois il n’y aura que l’Empereur qui ne dînera pas aujourd’hui ? — Mais si, mais si, le voilà ! » répondit Emmeline. L’Empereur, c’était un petit homme âgé de six mois, de son vrai nom Félicien ; M. d’Hermelinge l’avait surnommé l’Empereur, donnant pour raison que le mioche ressemblait comme deux gouttes d’eau à Napoléon premier, et puis, aussi, parce que, ce bébé-là, c’était le maître de la maison qui pour eux était l’univers. Une grosse fille apportait l’enfant qui, la tête toute ronde et le visage bouffi, écarquillait, hors des langes, les doigts. La mère dit : « Donnez. » Mais, avant de prendre l’enfantelet, elle dégrafa le corsage de son peignoir, fit sortir des étoffes son sein gauche, très gros, comme boursouflé, au bout large et violacé ; puis elle enleva son fils des bras de la bonne, et l’Empereur, les yeux presque pas ouverts, avec ses mains qui pressent, avec sa bouchette avide, chercha, trouva le bout du sein, y colla ses lèvres humantes, téta avec des renflements, par instants, de ses grasses petites joues ; il semblait qu’on entendît le bruit coulant du flux