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MÉPHISTOPHÉLA

sembla pas souffrir. Elle était là, couchée, tout le corps abandonné dans une veulerie de chiffon, sans parole ni plainte, sans lueur en ses yeux à demi clos. Certainement, la crise était passée. Le médecin ne jugea pas nécessaire de consulter des docteurs de Paris. Sophie se remettrait d’elle-même, reprendrait des forces, et, grâce à une nourriture saine, au bon air…

Une nuit, un cri assez faible, une vague plainte, lointaine, traversa douloureusement le silence de la chambre.

Mme Luberti, qui ne dormait qu’à peine, étendue près du lit parmi les coussins d’un canapé, se dressa sur son séant, inquiète. C’était Sophie qui avait crié ! La mère sauta vers le chevet, dans la pénombre de la veilleuse. « Sophie ! Sophie ! Eh bien ! voyons, où es-tu ? qu’as-tu ? réponds ! » Elle parlait en vain, tâtonnait en vain. Personne, la couche vide. Et du froid sur le cou — le froid de la nuit d’automne — l’avertit de la fenêtre ouverte. Sophie, pendant le mi-sommeil de sa mère, avait dû se jeter dans la rue. « Au secours ! » Tandis que, penchée hors de la croisée d’où descendaient les gros échalas d’une vigne vierge, Mme Luberti criait : « Sophie ! Sophie ! » essayant de discerner une forme sur le trottoir, les domestiques accoururent, mal réveillées, en