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MÉPHISTOPHÉLA

la hantaient si adorablement le souvenir et le désir d’Emmeline, elle avait souvent songé à cet homme ; mais, de lui être inconnu, de n’avoir aucun nom, il ne lui apparaissait pas comme véritablement existant. À présent qu’on l’avait nommé devant elle, qu’elle voyait la maison où il logeait, il se réalisait ; et Sophor en fut jalouse. « M. et Mme de Brillac. » Elle entendait la parole de l’hôtelière. Elle signifiait, cette parole, des baisers, des caresses, des tutoiements, un lit où l’on couche à deux. Oh ! elle le détestait, le mari ! Mais elle se contint. La rage lui aurait conseillé quelque imprudence. Plus tard, elle imaginerait un moyen d’assouvir sa haine contre celui qui possédait Emmeline. En ce moment, elle ne devait voir en lui qu’un obstacle ; obstacle malaisé à vaincre ; tout autant, plus encore que le baron Jean, M. de Brillac avait le droit de celer Emmeline, de repousser l’intruse. Il ne fallait donc pas songer à une lutte franche, qu’elle aurait préférée, mais procéder sournoisement, réussir grâce à quelque stratagème. Avertir son amie par une lettre que porterait une fille du village ? tentative dangereuse ; la lettre tomberait peut-être entre les mains du frère ou du mari ; et tout serait compromis ; on enfermerait Emmeline, ou on l’emporterait. Une idée lui vint,