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MÉPHISTOPHÉLA

dans le lit d’une chambre dont la fenêtre ouvrait non pas sur le jardin mais sur la rue ; c’était là que Sophie logerait désormais, pour qu’il ne lui fût pas possible de correspondre par signes, d’une croisée à l’autre, avec la fille de la voisine. Parmi l’effarement de Mme Luberti et des deux domestiques, le médecin parla, un peu au hasard, d’attaque de nerfs, de catalepsie. « Peut-être la croissance… peut-être une influence du temps orageux… » Au surplus, rien de très grave, sans doute. Le pouls battait sans trop de fièvre, les mouvements du cœur étaient presque réguliers ; cette crise s’achèverait en un sommeil naturel d’où l’enfant s’éveillerait bientôt, reposée, paisible, guérie. Il griffonna quelques lignes, attendit, en considérant sous le regard interrogateur de Mme Luberti la malade comme gelée en sa crispation immobile, que la servante fût revenue de chez le pharmacien. Mais il essaya en vain d’introduire dans la bouche de Sophie la cuiller où il avait versé un peu de la potion ; les dents étaient serrées avec une force tout à fait imprévue chez une enfant. « Allons, allons, dit-il, — car c’était un bon vieil homme, — il faut laisser agir la nature. » Si la crise continuait, il y aurait lieu d’appeler en consultation des docteurs de Paris. Mais il avait bon espoir. Cela ne serait rien.