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MÉPHISTOPHÉLA

sincère emportement la beauté fleurie et parfumée des amantes. Pourquoi ne pas penser aussi que, pareille à la pauvre Magalo conduite par sa niaiserie naturelle et par les désillusions de la misère au reniement des bonheurs d’autrefois, elle envierait bientôt le sort des honnêtes bourgeoises qui couchent dans le lit d’un homme et donnent le sein à leurs petits ? elle éclata de rire. La vérité, c’était que la monotonie d’un unique amour implique enfin quelque lassitude. Mais, jeune et forte, et pas rassasiée et destinée à ne jamais l’être, elle aspirait encore, aspirerait toujours au charme des chères lèvres roses, à l’odeur des chevelures dénouées. Est-ce que les bouches des jeunes femmes étaient moins que naguère ressemblantes à de belles fleurs de chair ? est-ce qu’il ne sortait plus, comme autrefois, des corsages ouverts et des robes remuées, des chaleurs qui rendent folle ? Il fallait, voilà tout, secouer cette paresse des sens où l’avait endormie la douceur berceuse d’un enlacement toujours le même. Elle était comme un mari ou un amant, qui, en trop d’heureuses nuits, s’est lassé de l’épouse ou de la maîtresse ; que d’autres femmes il aimera avec la fureur retrouvée des premiers baisers ! Elle se jeta hors de la paisible vie que lui avait faite la tendresse