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MÉPHISTOPHÉLA

elles avaient, toutes petites, joué ensemble, déchiré leurs jupes aux mêmes épines ; c’étaient, le soir, des appels impatients d’une mère à cette fenêtre-ci, d’une mère à cette fenêtre-là : « Eh bien ! Emmeline, viendras-tu, enfin ? — allons, Sophie, voilà l’heure de se coucher ! » Après les rentrées auxquelles Sophie, plus garçonnière (« un vrai gamin », disait la maman), résistait davantage, les deux amies, dans leurs chambres, ne s’endormaient pas sans s’être jeté d’une croisée à l’autre des baisers et des bonsoirs ; le lendemain les jeux recommençaient dans les allées des deux jardins. Qui aurait grondé Emmeline ou Sophie, aurait fait pleurer Sophie ou Emmeline. Mais on ne les grondait guère. On aimait cette amitié entre les deux mignonnes qui faisaient des échanges de poupées, mangeaient ensemble, dans le petit bosquet, les desserts que, sorties de table avant la fin des repas, elles s’apportaient l’une à l’autre. Quand, après s’être saluées par dessus la haie, comme il sied entre bonnes voisines, les deux mères se promenaient ensemble, devisant des choses de la ville, cela les amusait de rencontrer tout à coup dans l’écartement d’un rosier les deux têtes ébouriffées de Sophie et d’Emmeline, riant aux éclats ; et derrière les branches les enfants se tenaient par la