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MÉPHISTOPHÉLA

dérait le portrait de Mme d’Hermelinge, elle jeta un cri de rage et de joie ! de rage, parce que la presque certitude d’être trahie lui poignait le cœur ; de joie, parce qu’elle pourrait se venger.

Silvie Elven, oui, Silvie Elven.

Comment n’avait-elle pas eu cette pensée tout de suite ? Autrefois Sophor allait très souvent chez la petite artiste ; leur intimité, alors, n’était un mystère pour personne. Même, la baronne d’Hermelinge avait eu en sa passion vers cette frêle créature des douceurs, des ménagements attendris ; elle baissait la voix, en lui parlant, pour ne pas la secouer d’un bruit trop rude, faisait signe de marcher sur la pointe des pieds quand Silvie travaillait. Sans doute elles s’étaient séparées, avaient l’air, si elles se rencontraient, de ne pas se connaître. Mais cette brouille pouvait n’être qu’une ruse, cette froideur, qu’une hypocrisie. Céphise s’imagina avec un redoublement de colère que depuis très longtemps elle était leur dupe, qu’elles n’avaient jamais cessé de s’aimer ! et plus elle appliquait son esprit à cette idée, plus elle la jugeait vraisemblable. Précisément parce que Silvie, rouée ou ingénue, — car on ne pouvait pas savoir, — avait les airs menus d’une petite fille qui va tomber si on la pousse un peu trop fort, et des langueurs de jolie