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MÉPHISTOPHÉLA

ne me tourmente pas, je t’en prie, j’ai des soucis.

— Quels soucis ? tu as assez de moi, et tu en veux une autre, voilà tes soucis. Par exemple, si tu t’imagines qu’il te suffira de me dire : « Dors, une autre fois je serai plus gaie, » pour que je te laisse en repos, tu te trompes. Est-ce que c’est moi qui suis allée à toi ? est-ce que je me suis offerte, il y a cinq ans ? Ah ! bien, oui. J’avais un amant, que j’adorais, et qui m’aimait. J’étais heureuse avec lui, avec lui seul ; et comme, en outre, j’étais célèbre, comme on m’applaudissait, je ne désirais rien de plus. Tu le sais bien que jamais je n’avais pensé aux femmes, que je ne voulais pas y penser, que j’étais une créature toute simple. Mais, toi, tu m’as enveloppée, tu m’as emportée, tu m’as gardée. Ce n’est pas il y a cinq ans que tu aurais eu ces façons de ne pas me regarder, de ne pas me répondre ! Et maintenant que je suis comme tu m’as voulue, que je t’ai aimée, et que je t’aime, tu ne veux plus de moi. Est-ce que je suis moins belle qu’autrefois ? non, plus belle. Tout le monde dit que je suis plus belle. Les blondes, c’est à trente ans qu’elles sont tout à fait épanouies, comme de grandes fleurs d’été. Mais ne t’imagine pas que je vais accepter, comme cela, tranquillement, d’être méprisée,