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MÉPHISTOPHÉLA

Il ne paraissait pas que Sophor se sentît observée.

Elle était belle, malgré les ans et les ans. Si sa pâleur toujours mate, moins blanche, se jaunissait çà et là, surtout vers les tempes, en des tons de vieil ivoire, sa bouche gardait une belle rougeur violente ; la rousseur noire de ses cheveux la coiffait d’un casque d’ébène et d’or. Mais, à ce moment de cette nuit, la tension de penser lui ridait, au bord des yeux, la peau, lui déformait l’arc des lèvres jusqu’à la faire paraître plus vieille qu’elle n’était en réalité ; et l’acier de ses yeux s’éteignait.

— Voyons, Sophor, qu’est-ce que tu as ? tu me fais peur, réponds.

Cette fois, Sophor daigna entendre ; sans bouger, avec l’ennui d’une fatigue :

— Rien, je n’ai rien. Laisse-moi. Je n’ai pas sommeil. Je pense à quelque chose. Endors-toi.

Mais Céphise, en un éclat de voix :

— Ce n’est pas à une chose que tu penses, c’est à quelqu’un, c’est à une femme !

Elle rejeta les couvertures, sauta du lit, s’enveloppa d’un peignoir, se mit à marcher par la chambre en écartant les chaises, les fauteuils, et elle disait, tous ses cheveux défaits lui remuant le long des reins :