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MÉPHISTOPHÉLA

cher ; par instants, elle s’arrêtait devant le miroir, la face épanouie en une belle arrogance.

Sale ! la moribonde avait prononcé cette absurde parole ! C’était sale, les fleurissantes lèvres des femmes, et la fraîcheur des seins nus ? sale, l’étreinte des beaux bras lavés d’eaux odorantes, et recélant, en de vivantes cassolettes, des parfums aussi fervents que l’encens des autels et les myrrhes du tabernacle ? Ce qui est immonde en effet, c’est le rut de l’homme, le brutal et bestial hymen, avec ses acharnements qui suent, avec ses achèvements où le désir s’écœure ; et, puisque l’embrassade virile a pour fin les ordures de la fécondité, les nuits conjugales sont l’exécrable épouvante du pur rêve d’aimer. Mais toutes les chastetés avec toutes les tendresses s’entr’ouvrent dans cette double fleur que forment les bouches jointes de deux vierges éprises ; puis, sans rancœurs, sans remords, sans la détresse des fatigues, d’inexprimables ravissements, perpétués par le désir jamais repu, hantent les lits des amoureuses qui se vouèrent au divin baiser stérile. Et en ces unions, pareilles à celles de la neige avec la neige, d’un arome avec un arome, de la caressante vague avec la vague qu’elle suit et surmonte, s’éveille le pressentiment de quelque paradis encore irré-