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MÉPHISTOPHÉLA

dresse symbolisée en saison ; et les lèvres peintes de ses figures lui avaient, vivantes, rendu des baisers. Mais on ne croyait pas qu’en ses intimités elle se hasardât jusqu’à la vilenie brutale de l’entier péché. Elle fuyait l’époux ou l’amant, parce que l’homme est rude, et c’était son amour des fleurs, des oiseaux, des parfums, de ce qui est gracieux et léger, qui l’inclinait vers la femme ; il lui plaisait d’aimer ce qu’elle avait plaisir à peindre ; mais elle se fût bien gardée de demander à aucune de ses amies plus qu’on n’exige d’une belle rose ; elle ne désirait rien de meilleur que le délice d’une haleine ou d’un frôlement à peine caresse ; même, la nudité des jolies comédiennes qui consentaient à lui servir de modèles — les lys aussi sont nus — ne la troublait que d’une rêverie sans mauvaise pensée, lui laissait le charme d’un souvenir sans remords. D’ailleurs, si frêle, pareille à tout ce qui va se courber, languir, s’étioler, éveillant l’idée, avec la diaphanéité de sa peau et le frisson clair de ses cheveux, de cette fleur de duvet — la fleur-ange — qu’on fait s’envoler d’un souffle, elle aurait été tout de suite brisée en l’ardeur des étreintes même féminines ; et un jour, une très redoutable femme, poétesse illustre et débauchée fameuse, accoutumée à l’excès des joies, qui avait prémé-