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MÉPHISTOPHÉLA

qui s’emportaient en paroles outrageantes, puis, tout à coup, s’enlaçaient avec frénésie, jusqu’à rouler sur le pont. Pas un ordre donné par Marfa qui ne fût révoqué par Sophor ; une irritation continuelle les mettait aux prises ; pourquoi ? parce que chacune d’elles était, presque, ce que ni celle-ci ni celle-là n’aurait dû être ; c’était, à tout instant, le heurt de deux virilités plus excitables de ne pas être réelles, et elles se détestaient, pas assez mâles, d’être également ressemblantes à deux hommes. Un calme eût résulté d’un consentement, chez la baronne d’Hermelinge ou chez la princesse Leïlef, à l’infériorité ; mais, toutes les deux, elles avaient, Sophor plus impérieux, et Marfa plus taquin, l’orgueil de la domination. Et, les nuits, dans la cabine, après les bouteilles de liqueurs, bues à même, leurs rages s’exaltaient jusqu’à la folie, parce que l’une se révoltait d’accepter de l’autre le plaisir qu’elle avait en vain voulu lui imposer ; tant qu’enfin, forcenées d’un même désir dont, en une égale volonté de maîtrise masculine, Marfa refusait à Sophor, et Sophor à Marfa, la réalisation, elles se séparaient après des brutalités et des injures, et se résignaient, haineusement, en un duel de regards voraces, à l’illusion du triomphe. Mais de ne pas se posséder,