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MÉPHISTOPHÉLA

sa Victoria. Alors, brusquement : « Eh bien ! venez, » dit Sophor ; Marfa Petrowna n’avait pas attendu cette parole, elle était déjà dans le coupé ! et quand l’autre l’eût rejointe, quand les chevaux eurent décarré, elles se saisirent les mains avec emportement, et cette première étreinte leur laissa dans la chair des déchirures d’ongles.

Puis elles restèrent muettes, longtemps, ne se regardant pas ; seulement elles sentaient à leurs paumes, toujours plus pénétrante, la pression acérée.

Le coupé s’arrêta.

— Écoutez bien, dit brusquement la petite princesse, j’ai mon yacht, au Havre. Je pars demain pour aller je ne sais où. Venez-vous avec moi ?

Sophor répondit :

— Oui. Mais nous avons tort. Vous verrez que ce sera terrible. Vous ne ressemblez à personne. Vous m’attirez et vous m’irritez. J’ai envie de vous embrasser et j’ai envie de vous battre.

— Battez-moi, je veux bien, je vous battrai aussi. À demain.

Et elle s’échappa.

Leur vie à bord fut extraordinaire : au commencement, une longue querelle, avec des soudainetés, quelquefois, de tendresse furieuse. Les matelots s’étonnaient de ces deux femmes