Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/329

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
319
MÉPHISTOPHÉLA

et, avec l’insolent qui l’eût affrontée, elle eût recommencé l’assaut, fleurets démouchetés. Avait-elle des amants ? on le croyait, c’était probable, on ne le savait pas. À l’un de ses maris — le premier — qui avait eu l’inconvenance de s’en vouloir informer, elle répondit par un refrain de chanson que lui avait enseigné une femme de chambre parisienne ; et le mari ayant insisté, elle le souffleta sur les deux joues de sa jolie main vive et sèche comme une patte de singe. Les deux autres époux se montrèrent plus discrets, soit qu’ils fussent confiants de leur naturel, soit qu’ils eussent reconnu l’inutilité de ne pas l’être. D’ailleurs, de très haute race, presque apparentée, par de lointaines bâtardises, à la famille impériale, et riche au point que, malgré toutes les prodigalités, elle n’avait jamais réussi à diminuer sa fortune, Marfa Petrowna était une personne à ménager ; l’ayant épousée, on tenait fort à ne point se brouiller avec elle, et elle usait de la considération qui lui était due, pour agir, en toute chose, selon sa fantaisie, payait en générosités les complaisances, les airs de ne pas s’apercevoir, disait à son mari : « Vous me grondez ? combien devez-vous au cercle ? » Ce qui d’abord l’avait rendue fameuse, c’était son intrépidité d’amazone. Elle montait un énorme