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MÉPHISTOPHÉLA

Sophor répondit : « Je n’ai rien du tout. J’ai eu peur d’une ombre sur la maison en face. Laisse-moi, je suis bien ici. » Ce qui lui avait arraché le cri, c’était que pour la première fois elle avait senti dans son ventre, une chose, qui remuait.

Un événement la détourna quelques jours de son angoisse. Elle dut aller à Fontainebleau, à cause d’une note dans les journaux, qui annonçait le décès de Mme Luberti, morte presque subitement ; le notaire de la vieille femme avait fait publier cette nouvelle pour qu’elle vînt à la connaissance de Mme d’Hermelinge, fille et unique héritière de la défunte. Lorsque Sophor descendit de voiture dans la rue du faubourg, où voisinaient les deux maisons, le convoi funèbre se mettait en marche vers l’église prochaine ; mais ce qu’elle vit d’abord, d’un jet de regard qui, lui semblait-il, emportait son âme, ce fut, à travers la grille, la fenêtre où si souvent elle s’était accoudée auprès d’Emmeline, la fenêtre de la chambre vide à présent. Hélas ! Emmeline était partie, elle était mariée, et la maison demeurait la même ; rien de changé à cette porte par où la mignonne était sortie pour ne plus revenir. Sophie s’irrita de cette indifférence des choses. Mais elle aimait le jardin, désolé par