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MÉPHISTOPHÉLA

ces moments-là aurait reculé d’étonnement tant sa peau était tendue, glacée comme d’un immobile frisson. De la chambre à coucher, Magalo, depuis longtemps au lit, l’appelait, lui disait : « Voyons, bébé, tu n’es pas raisonnable, viens dormir, tu prendras mal. » Sophor ne répondait pas, n’entendait peut-être pas. De plus en plus, elle s’enfonçait en sa morne rêverie. Et dire que d’autres femmes attendent avec des enchantements l’heure où elles seront mères, où il naîtra d’elles une mignonne créature, adorée déjà, qui sera la petite image de l’époux ; plus elles aiment celui qui la leur donna, plus elles la lui préféreront ; et elles se réjouissent d’avance du premier cri, du premier sourire, du hochet entre les lèvres, et du blanc sommeil dans les langes. Une nuit, une voix déchira l’air, aiguë, glapissante, la clameur de quelqu’un qui voit surgir un assassin de dessous un meuble ou de derrière un rideau ! Magalo sauta du lit, se précipita dans la pièce voisine, vit Sophor debout, les ongles dans le bois de l’appui, la face grise et froide d’une déterrée ; elle ne criait plus, des grincements sous la lèvre. « Tu veux donc te tuer ? Rester à l’air, dans ton état ! il fait si froid. Viens te coucher, je t’en prie. Voyons, qu’as-tu ? » Entre le crissement de ses dents,