Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
MÉPHISTOPHÉLA

par le mariage, hélas ! se trouvait hors de la portée du désir de Sophie, cela valait mieux pour la pauvre enfant destinée aux calmes joies. Elle ne la poursuivrait pas, la laisserait tranquille au loin. Certes, elle souffrait, elle souffrirait longtemps, toujours, de ne pas la voir. Mais elle voulait se sacrifier au bonheur d’Emmeline, et elle se sacrifiait en effet. Elle avait du moins la conviction de son sacrifice, tant il est naturel et doux de donner pour motif à ce qu’on fait ou à ce qu’on éprouve un sentiment dont on peut être fier ; Sophor ne se demandait même pas, si ce n’était point à ses contentements près de Magalo qu’elle devait sa résignation à l’égard d’Emmeline. Et elles étaient, toutes les deux, Sophor et Magalo, contentes, avec des tristesses parfois qu’elles ne s’avouaient pas l’une à l’autre, qui s’évanouissaient vite ; enfin, contentes.

Mais un matin, assise près du lit :

— Ah ! çà, s’écria Magalo, tu sais que tu es enceinte, toi ?

Sophor ne comprit pas, et, en tirant ses bras moins maigres, — elle avait engraissé un peu dans la paresse du désir satisfait, — elle murmura, bâillante :

— Tu es déjà levée ? tu parles ? qu’est-ce que tu dis ?