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MÉPHISTOPHÉLA

mon mari ? je me serais bien moquée d’eux. On n’enferme pas une femme dans sa chambre comme dans une prison ; puis, enfermée, n’importe, j’aurais vécu près de ma chérie, on n’aurait pas pu m’empêcher d’entendre sa voix à travers les murs. En me tenant près de la fenêtre, je l’aurais vue passer dans le jardin, je lui aurais fait des signes, elle m’aurait souri. Et mon mari n’eût pas pu l’emmener sans m’emmener aussi. De cette façon, plus de mariage pour elle ; je l’aurais bien reçu, le prétendant qui serait venu ! Puis, un beau jour, — oui, ça aurait fini comme ça, — j’aurais trouvé le moyen d’emporter Emmeline, si loin, si loin, qu’on ne nous aurait pas retrouvées ; et elle ne m’eût pas quittée, cette fois, parce que j’aurais fait bonne garde. Oh ! je ne l’aurais pas aimée, comme tu m’as enseigné à aimer, toi. Elle n’est pas de celles où l’on prend du plaisir comme on mange quand on a faim, comme on boit quand on a soif. Je l’adore avec des prières et des mains qui se lèvent sans toucher ! nous aurions été plus contentes que ne le sont dans le ciel les anges mariés. Mais toi, tu m’as arrachée d’elle ; par toi, je l’ai presque oubliée ; et elle est mariée, un homme la tient, la garde, ne la laissera pas ! Elle aime cet homme. Tout ce que je n’ai pas eu d’elle, elle le lui donne ;