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MÉPHISTOPHÉLA

tournée chez Hortense, ou chez Mme Charmeloze ? En ce moment, elle se laissait prendre la taille par des hommes qui lui avaient offert à souper, ou bien elle s’asseyait sur les genoux de quelque femme qui la baisait dans le cou. L’idée de Magalo, qui était à elle, touchée, caressée par d’autres, l’exaspérait, faisait qu’elle marchait d’un mur à l’autre, les poings crispés. Vingt fois elle fut sur le point d’aller la chercher, dans ces restaurants ou chez ces filles. Elle l’aurait prise par le bras avec une brutalité d’homme du peuple qui remmène sa maîtresse. « Qu’est-ce que tu fais là ? Allons, rentre. » Et, en chemin, elle l’aurait battue, comme on bat un chien qui s’est échappé. Mais, ces restaurants, elle savait mal dans quelle rue ou sur quel boulevard ils se trouvent ; et elle ne connaissait pas l’adresse d’Hortense ni celle de Mme Charmeloze. Puis, l’espoir, toujours, du retour de Magalo, lui conseillait de ne pas s’éloigner, d’attendre. Elle guettait le bruit des fiacres, la sonnette de la porte cochère, les pas dans l’escalier : Magalo ne revenait point ; jusqu’au jour, pas déshabillée, Sophie, sur le lit, le coude dans l’oreiller, attendit, l’œil fixe vers la vision de son amie couchée dans un autre lit. Elle s’endormit comme le matin, à travers les rideaux, pénétrait dans la chambre, — d’un som-