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MÉPHISTOPHÉLA

des choses auxquelles Magalo n’avait jamais réfléchi. Elle savait les histoires anciennes, dont on parle dans les drames. Une fois qu’elles écoutaient une opérette, très gaie, très amusante, avec des airs qui donnent envie de danser, Magalo fut très étonnée d’entendre Sophor dire que cette musique était stupide ; mais elle ne fit pas d’objection ; elle admit que cette musique était bête en effet. Son amie ne pouvait pas se tromper. Tel était son humble amour. Et, cet amour, elle le témoignait par mille tendres soins. C’était elle qui lavait Sophor, avec l’énorme éponge, dans le tub, la peignait, lui laçait le corset, non point seulement par une malice d’amoureux qui veut profiter de la toilette pour baiser le haut d’une épaule humide d’eau parfumée ou pour respirer l’intense arome des cheveux, ou pour voir s’enfler les seins dans l’évasement des baleines ; non, il lui plaisait d’être la servante, la femme de chambre de son amie. « N’appelle pas Antoinette, laisse-moi boutonner tes bottines, je t’en prie ! » À cette parole, Sophie avait des rêveries que l’autre ne pouvait comprendre. Au moment de sortir, Magalo lui nouait elle-même les brides de la capote, lui disait : « Tu n’oublies rien ? veux-tu prendre un manteau ? je le porterai pour qu’il