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MÉPHISTOPHÉLA

rons jamais. Nous sortirons ensemble, habillées pareil ; nous irons partout, au restaurant, au théâtre, pas au bal, à cause de toi. C’est du monde trop mêlé, dans ces endroits-là. Puis, les autres te feraient de l’œil, rien que pour m’agacer. Je les connais, ces gredines ; elles enrageront, quand elles sauront que nous sommes collées. Hein ? collées, c’est gentil ? Tu n’as pas idée du plaisir que ça me fait, de t’avoir là. Tu ris ? bien, bien, je vois ton idée. Tu te dis que je ne suis pas trop à plaindre en effet. Eh bien, parole, je ne pensais pas à ça. Oui, c’est agréable, sûrement, mais il y a autre chose, il n’y a pas que les bêtises, il y a qu’on s’aime, il y a le cœur. Je t’aime tant, vois-tu ! tu as de si bonnes manières. Tu ne peux pas deviner l’effet que ça me fait d’être avec toi ! Il me semble que j’étais une pauvre fille, une ouvrière, une grisette, et que je viens d’épouser un prince. Ce sera joliment bon, notre vie ! » Et la vie en effet — pendant des jours, pendant des semaines — leur parut très douce. Sophor, en qui persistaient des enfances, s’amusait de tout, des boulevards qu’elle avait à peine entrevus en de courts séjours à Paris ; des dîners avec des plats qu’elle ne connaissait pas, avec des vins dont elle ne savait pas les noms ; des pièces dans les petits théâtres,