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MÉPHISTOPHÉLA

aurait été très doux. Enfin, elle ouvrit tout grands ses yeux. Rêvait-elle encore ? cette chambre, elle ne la reconnaissait pas. Partout, apaisées de la pâle lumière à travers les rideaux, des soies de couleurs vives, et de menus objets, mignons, ivoires, biscuits, sur des meubles, parmi des désordres de dentelles et de rubans jetés ; au pied du lit, deux robes étendues, qu’on aurait pu prendre dans la mi-obscurité pour deux femmes couchées là. De toutes ces choses émanait un parfum fade et chaleureux à la fois, délicieusement écœurant. Et ce parfum, semblait-il à Sophie, ne venait pas seulement des tentures, des bibelots, des robes couchées, il venait d’elle-même aussi ; elle l’avait dans les mains, aux lèvres, dans ses cheveux défaits, partout sur elle, comme si elle avait dormi dans des fourrures ayant cette odeur. Mon Dieu ! qu’était-il arrivé ? où était-elle ? Et qu’elle avait peine à sortir de cette lassitude enlaçante comme un souvenir de caresse. Elle poussa un cri ! elle venait de voir à ôté d’elle, sur l’autre oreiller, une figure toute drôle et jolie, qui dormait, avec un plissement de rire, la bouche ouverte en une rondeur rose ; et elle se jeta vers la muraille ! Mais Magalo, réveillée comme un oiseau saute d’une branche, l’avait saisie par le cou, lui