Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
MÉPHISTOPHÉLA

des bagues, lourdes, larges, aux index des mains longues, sans gants, dont elle serrait le rebord de l’avant-scène. Et du regard, de l’attitude, elle défiait, qui ? tout le monde. Même c’était plus que du défi : une provocation à l’outrage, avec la superbe de le mépriser déjà. Elle avait un rebroussement d’une lèvre vers la joue, d’où semblait sortir une jactance, et une riposte. Elle voulait et narguait l’injure. Et elle respirait largement, la face épanouie en un sourire fier, chaque fois que la foule se tassait vers elle avec des coups d’œil qui désignent et des chuchotement qui racontent. Elle opposait aux curiosités le « c’est ainsi » du révolté qui ne baisse pas les yeux et se piète le poing à la hanche. Elle devinait, elle savait que ces femmes, que ces hommes s’entretenaient d’elle, énuméraient à voix basse les détails de l’extraordinaire aventure, dont, depuis six ans, elle étonnait Paris ; qui donc aurait ignoré — puisqu’elle s’était effrontément et glorieusement avouée — l’étrangeté furieuse de ses amours sans amants ? il lui plaisait qu’on ne l’ignorât point. Elle s’enorgueillissait d’être singulière et détestable. Au commencement des damnations, c’est l’apport du Diable, cet orgueil. Lorsque quelques personnes montraient du geste Céphise Ador, la belle comédienne, qui,