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MÉPHISTOPHÉLA

ment, je n’ose blâmer vos contemporains, monsieur de Maël-Parbaix, d’aspirer à ce vivant néant ! Même, je me suis demandé parfois si celui-là serait coupable, qui, ayant découvert un sûr moyen d’abolir en l’homme, sans le tuer, la personnalité de l’homme, ne lui refuserait pas cette abominable guérison. Car ils sont si malheureux ! Et, malgré les mensonges où ils s’acharnent, malgré l’hypocrisie de leurs rires, de leurs amours, de leurs travaux, malgré la feinte ressemblance de leur désespoir avec le plaisir, ah ! comme ils se précipiteraient, pareils aux gens des campagnes qu’émerveille un empirique empanaché, si tout à coup surgissait au milieu de leurs fêtes quelque marchand d’une drogue par laquelle on devient fou ; leur fortune, leurs titres, leur renommée, et la beauté de leurs maîtresses, qu’ils jetteraient vite tout cela, comme ces paysans leurs gros sous, pour payer le vendeur d’éternel oubli !

Tandis que le docteur Urbain se complaisait en ces déclamations, — parlant dans la loge comme dans une chaire professorale, — M. de Maël-Parbaix, qui n’écoutait plus, entendait à peine, car enfin il s’ennuyait, se tourna vers une avant-scène où deux femmes venaient d’entrer.