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MÉPHISTOPHÉLA

nages ! D’ailleurs, ils sont trop veules, ces surmenés, pour oser croire ; trop subtils, ces raffinés, pour pouvoir croire. De sorte qu’une seule issue, épouvantable, s’offre à eux : la folie. Oui, la folie. Ils ont peur de la mort, mais ils voudraient bien de la folie. La tombe, non ; la maison de santé, oui. Fous ! ils consentiraient à être fous. Oh ! ils n’avouent pas à leurs pareils, ils n’avouent pas à eux-mêmes cet abominable désir ; et, quand l’un d’entre eux, après tant d’apparentes joies et de réelles tortures, perd la raison, ils feignent de le plaindre. Au fond, ils l’envient. Ne plus penser, ne plus se souvenir, ne plus connaître ces désolantes appréhensions d’un bruit imprévu, d’une main sur l’épaule, de quelqu’un qui tout à coup vous regarde avec un air de vous comprendre, quelle délivrance ! Sans doute, c’est odieux, et c’est sale, dans les grandes cours aux arbres régulièrement espacés, ces errants, l’œil éteint, le geste machinal, ces assis, la tête vers les genoux, qui bavent, ou, dans les cabanons, ces forcenés qui mordent, avec des dents de bête, les barreaux. Mais ils ont oublié ! mais ils ne savent plus ce qu’ils furent ! et ceux même qui souffrent, ne connaissent pas, quoi qu’ils souffrent, l’affreux écœurement de soi, le lent, le continu, le désastreux remords. Vrai-