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MÉPHISTOPHÉLA

de mauvaises joies — de tristes joies, hélas ! — le lendemain des excès, c’est toujours, et ils ont mal aux cheveux, interminablement. Ah ! qu’ils sont déplorables ! si peu dignes d’estime, qu’ils sont dignes de pitié. Pour s’oublier, pour s’ignorer, rien qu’ils n’entreprissent ; rien ne les tente, mais ils tentent de tout ; ils demandent aux drogues maudites, à l’opium, au haschich, à la morphine, la mort du souvenir, le rêve qui pense à peine, le vague anéantissement. Mais, après les apothéoses de l’opium, les puériles fantasmagories du haschich et les excitations ou la langueur délicieuse de la morphine, leurs nerfs, leurs sens, tout leur être, — comme une corde, trop tendue, rompt et choit, — défaille plus irrémédiablement en une désolation plus profonde ; et s’ils vivent encore, — on nomme cela vivre ! — c’est qu’ils n’osent pas mourir. Naguère, le salut peut-être leur eût été possible. La religion s’ouvrait aux désespérés ; elle était le lieu d’asile des âmes ; ils auraient pu resurgir par les exaltations du fanatisme, ou s’engourdir en l’abrutissante foi. Mais voici venus les temps prédits par les diaboliques prophètes, les temps des églises vides ou closes, et bientôt les cailloux des chemins qui montent vers les calvaires auront oublié les pieds nus des pèleri-