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MÉPHISTOPHÉLA

Une tente rose et grise descendait vers quatre lauriers épanouis encore : la tiédeur qui, par un soupirail, monte de la cuisine, leur donnait l’illusion d’un printemps de serre ; et il y avait çà et là de petites tables rondes de bois peint en vert. « Madame prend quelque chose ? » Elle ne savait pas ce qu’on prend. « Un vermuth ? — Oui, » dit-elle. Elle avait peur de voir sortir le baron Jean de la porte vitrée de la gare, en face d’elle. Elle tourna la tête. En riant, tout près d’elle, autour de quelques tables jointes, des femmes, huit ou dix, buvaient, fumaient des cigarettes. Les amies de Mme Charmeloze. Elle eut une envie de s’éloigner, d’aller attendre dans la gare. Elles étaient si singulières. Des créatures comme celles-là, elle n’en avait jamais vu. Comme elles ressemblaient peu à Emmeline ! Laides ? non, pas toutes. Il y en avait une, — très fardée, par exemple, — qui était jolie, avec beaucoup de petits cheveux rouges sur le front, descendant jusqu’à chatouiller les yeux. Et toutes elles tenaient des propos étranges, que Sophie comprenait mal. En parlant français, elles parlaient, eût-on dit, une autre langue. Mais dans les paroles même que Sophie entendait pour la première fois, elle percevait un sens répréhensible ; le son, quoique incompris, signifie. Elles bavar-