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MÉPHISTOPHÉLA

Mais un espoir interrompit l’élan commencé. Elle ne savait pas à quelle heure, ce matin, Emmeline avait quitté la maisonnette ; dans la matinée, il ne passe que peu de trains : la fugitive, peut-être, était à la gare, encore, attendant ? c’était possible — ce n’était pas impossible du moins. Elle ne savait pas, la pauvre petite, ni comment on prend son billet, ni comment on monte toute seule en wagon, ni rien. Elle avait pu, elle avait dû perdre du temps. Peut-être aussi, en son évasion, avait-elle oublié de prendre de l’argent pour payer sa place ? cela arrive tous les jours, même quand on est très calme, très habituée aux voyages, qu’on oublie de prendre de l’argent. Enfin, oui, il se pouvait qu’Emmeline ne fût pas encore partie. Cela, ce serait trop beau, trop heureux ! la retrouver tout de suite ! Sophie courait à perdre le souffle. Elle arriva sur le bord. Pas de barque. Si, la barque ; mais très loin au milieu du fleuve, un peu plus près de l’autre rive. Le passeur répondit aux cris d’appel par des signes qui voulaient dire : « Eh ! vous voyez bien que j’ai du monde, attendez, je vais revenir. » Il fallait attendre. Attendre ! Mais, c’était vrai, la barque était pleine, pleine de femmes. Sophie les devina, plutôt qu’elle ne les reconnut. Celles qui riaient dans