Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
MÉPHISTOPHÉLA

l’une des pointes de la gorge, elle s’affola ! Instinct d’une plus proche étreinte, ou souvenir d’une nuit presque semblable — oh, non, non, pas semblable ! — elle jeta ses vêtements ; nue, elle vit Emmeline plus nue ; sa propre nudité était comme un miroir qui doublait la nudité de l’amie ; et d’avoir embrassé Emmeline, ainsi, elle cessa, soudain, de l’embrasser, et retomba sur le lit et ne bougea plus.

Quand Sophie rouvrit les yeux, Emmeline toujours couchée, la tête vers le mur, avait l’air d’attendre. Des tressaillements la parcouraient toute, ses paupières battaient… quoi donc ? qu’attendait-elle ? En la regardant de tout près, Sophie souffrit affreusement ! car elle devinait qu’elle n’avait pas donné l’incomparable et effrayante joie qu’elle avait connue ; que ni les embrassements, ni les caresses, ni le corps parmi le corps, ne furent la réalisation du désir qu’elle avait fait naître ; elle n’avait pas tenu, et jamais peut-être elle ne tiendrait ce qu’elle avait promis ! ni des mains, ni des lèvres, elle n’obligerait à l’extase, celle qu’elle avait obligée à l’espérance de l’extase. Pourtant, il était impossible qu’il n’y eût pas concordance d’assouvissements lorsqu’il y avait eu accord de convoitises ; il fallait que, chez l’une comme chez l’autre, l’exaspération s’achevât en un