Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
MÉPHISTOPHÉLA

s’aspiraient infiniment, dans tout le silence de la pénombre, sous leurs cheveux défaits qui ne faisaient qu’une chevelure d’or pâle et d’or sombre mêlés. Puis, la nuit venue, ce ne fut pas, devant la porte d’Emmeline, l’adieu de tous les soirs ! Elles entrèrent ensemble, sans désunir leurs bouches. Leurs bouches, — ah ! comme elles se voulaient, de s’être possédées, comme elles se possédaient, de s’être tant voulues, ces bouches ! — leurs bouches, désormais, c’était l’unique et double foyer en qui convergeait tout le rayonnement d’elles-mêmes ; et d’avoir mêlé, de mêler, de mêler encore leurs haleines où s’essentialisait leur sève vitale, elles n’avaient plus qu’une seule âme chaleureuse entre les dents : comme de deux aliments on n’en fait qu’un en les mâchant.

Plus vite que ne s’évanouissent dans les mythologies les nuées dont se voilent les déesses, la robe d’Emmeline disparut, déchirée en lambeaux, loques inutiles : la vierge, la nuque dans l’oreiller, s’offrait rougissante et frémissante sur le lit mystérieux de la pâleur lunaire d’une seule lampe au globe blanchissant. Sophie la voyait toute, neige, roses, lueurs dorées, mais tout cela, chair, tout cela, femme. Elle reconnut le fil d’or fin comme un cil, qui s’érigeait près de